le point sur le dossier Uckange

patrimoine sidérurgique

lieux d'Acier

Olivier C. A. BISANTI

08 août 2001

 

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(*) Nous avons prévu de publier un sujet en deux parties sur cette usine.

Longtemps après nos voisins anglo-saxons, la conscience patrimoniale en matière d'industrie est -enfin- bien réveillée en France : congrès, livres, et surtout projets de conservation ou de reconversion germent en nombre. Dix ans après l'initiation du projet de reconversion du haut-fourneau d'Uckange en pôle culturel, et à l'occasion d'un colloque organisé sur le sujet par le CILAC, il nous a semblé utile de faire le point(*).

   
 

 

l'épuration de gaz du haut-fourneau >

En matière industrielle, les démarches patrimoniales sont en France quelque chose d'assez neuf. Si les pouvoirs publics ont enfin pris conscience de cette évolution, il n'en est pas toujours de même pour les industriels eux-mêmes, dont la vocation principale est certes différente. Le patrimoine sidérurgique lorrain a déjà presque entièrement disparu et les amis du patrimoine industriel ont été échaudés par l'effacement systématique et précipité d'installations telles que le haut-fourneau de LONGWY alors même qu'une procédure de classement était en cours, ou encore de la grue GUSTO de SAINT-NAZAIRE.

La lenteur d'exécution du projet Uckange (on verra plus loin comment elle s'explique) n'est pas de nature à calmer ces angoisses, d'autant qu'une inscription à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques (ISMH) n'est pas une sécurité absolue en l'absence d'exécution du projet culturel y attaché.

La présentation détaillée du projet Uckange fera l'objet d'un article spécifique à paraître sur le site Soleils d'Acier ; il s'agit de la reconversion du site de l'usine à fonte d'Uckange en pôle culturel comportant un "centre d'interprétation" retraçant l'évolution des techniques et du monde social sidérurgique, un centre de référence, de documentation et de recherche, un "jardin des techniques", auxquels il est prévu d'adjoindre des activités culturelles et artistiques d'orientation plus générale.

Le projet Uckange a été initié dès la fermeture du site fin 1991. Si de nombreuses études ont déjà été menées, concluant à l'intérêt de la préservation de ce site, si des instances de classement ont été diligentées, l'approche demeure, après dix ans d'évolution, purement platonique. En-dehors de l'élimination de tous les bâtiments non-inscrits à l'ISMH, rien n'a encore été réalisé sur le terrain, qui n'a même pas encore été racheté à Usinor.

C'est que pèsent sur ce projet une contrainte et une incertitude. La contrainte, c'est la présence du gazoduc "MOSELLE 2" qui interdit au site d'être exploité en tant qu'établissement culturel. L'incertitude, c'est celle de l'identité du repreneur, qui ne pourra être qu'une structure intercommunale (val de Fensch ou autre) appuyée par les collectivités territoriales départementales et régionales. Or, celles-ci semblent réticentes. Il semble exister un débat souterrain sur la représentativité d'Uckange en tant que sanctuaire de la mémoire sidérurgique lorraine. Ce dernier point alimente probablement les hésitations des diverses collectivités de la région mentionnées. On verra plus loin ce qu'il y a lieu d'en penser.

Il nous semble indispensable de faire connaître et diffuser au maximum les éléments de ce dossier et les arguments en présence afin d'interdire une conclusion bâclée ou un coup de force à l'insu du destinataire final de toute action culturelle : le public.

 

Le point sur le projet

 

 

La conférence sur l'état du projet >

(*)CILAC : Comité d'Information et de Liaison pour l'Archéologie, l'Etude et la Mise en Valeur du patrimoine Industriel, bp 251- 56007-VANNES Cedex, tel. 029763.3442

Cordial, énergique, une dense chevelure blanche ébouriffée comme par une tempête, c'est donc Bernard COLNOT, ancien directeur du site et président de l'association MECILOR consacrée à la sauvegarde de cet ensemble patrimonial, qui nous acccueille à METZ pour le "samedi sidérurgique" du week-end organisé par le CILAC(*) sur le thème "week-end en Lorraine [industrielle]". Le bus "Trans-Fensch" (cela ne s'invente pas) nous emmène par un séraphin chemin des écoliers de Metz à Uckange, via Hagondange, Rombas, Gandrange, Hayange, Serémange, parcourant les vallées de l'Orne et de la Fensch où se concentraient jusque dans la décennie 80 respectivement les usines de produits longs et de produits plats.

Une présentation du projet avait lieu avant la visite du site au Centre Culturel de la ville d'UCKANGE. Divers intervenants prenaient la parole, principalement Bernard COLNOT et Louis RéMY, rapporteur du projet en 1998. Le Pr Denis WORONOFF, auteur avec le Pr Philippe MIOCHE d'un autre rapport sur la pertinence historienne de cette opération, était présent dans la salle. De cet exposé ressortent les points suivants :

1) Administrativement parlant, le site est à nouveau inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques : rappelons que le premier classement de 1995 avait été cassé le 24 octobre 2000 par le Tribunal administratif à la demande de Bail-Industrie, filiale du Groupe USINOR, propriétaire des lieux, à la suite d'un vice de la procédure de classement conduite par les pouvoirs publics. L'inquiétude des promoteurs du projet (MECILOR/ESFOLOR, municipalité d'Uckange, CILAC) était grande puisque des précédents existent en matière de pétardage d'installations en attente ou prises en défaut de classement, même pour de très courtes périodes.

2) Bail-Industrie, propriétaire des lieux, est dans l'obligation de maintenir à ses frais un gardiennage afin d'en interdire l'accès : en effet, il est responsable de toute conséquence d'un accident corporel survenant sur le site, même si la victime est entrée par effraction dans un lieu où la signalétique indique clairement la présence de danger. D'autre part, il allègue l'immobilisation financière que représente la valeur de la ferraille de démolition depuis la fermeture. Après dix ans d'attente d'une décision concrète, on peut comprendre son impatience.

3) Bail-Industrie propose de céder le site pour le franc symbolique à tout organisme s'engageant rapidement à un projet culturel. La vente entraînant évidemment le transfert de l'ensemble des responsabilités attachées à ce lieu.

(*) Gaz sidérurgique en provenance d'HAYANGE à destination de la centrale électrique de RICHEMONT, conduite dite "MOSELLE 2" à laquelle les HFx d'Uckange étaient raccordés).

4) La reconversion du HF d'Uckange en Etablissement Recevant du Public (ERP) le fait changer de cadre règlementaire concernant la sécurité des installations. Or, un gazoduc (*) passe à proximité du site, inclus en totalité dans les deux périmètres de restriction d'occupation (totale et partielle, de 110 et 350 mètres).

5) Des engagements financements publics et parapublics semblent acquis pour la première phase du projet (mise en sécurité et mise en lumière du haut-fourneau) de manière à "matérialiser" la transition visuelle du HF entre la ruine industrielle et autre chose.

6) La structure qui reprendra Uckange est enfin définie : il s'agit de la communauté de communes 'Val de Fensch'.

 

sur le site

 

 

Difficile entr-ouverture de la grille sur le HF en sommeil >

(*) où l'autorisation de pénétrer semble avoir été arrachée de justesse à condition de demeurer à plus de cent mètres du bâti et sous surveillance d'un mandataire de Bail-Industrie.

Les congressistes se déplaçaient ensuite sur les lieux (*). Il ne subsiste sur ce site qui a compté jusqu'à six hauts-fourneaux que le seul HF4 avec son installation de chargement et le dépoussiérage des gaz, ainsi que les "grands bureaux". Les autres bâtiments (soufflantes, chaudières,) nous sont demeurés invisibles car il nous a été interdit de nous écarter de la station assignée près du portier pour faire le tour du haut-fourneau.

Bernard COLNOT devant son enfant chéri, cliquez pour agrandir

Un autre abord visuel sera néanmoins possible, après le départ du site, en nous rendant dans un espace public situé de l'autre côté de la voie ferrée.

le haut-fourneau vu du côté voie ferrée, cliquez pour agrandir

Un haut-fourneau est toujours un endroit impressionnant ; il l'est encore plus lorsqu'il est éteint et désert. La dramaturgie sociale et la légende gestuelle de la sidérurgie demeurent très prégnantes en ces lieux, et le silence tisse autour de la structure géante un mystère que renforce encore l'alliance contre nature de la végétation et des volumes oxydés. L'emprise de l'installation est très ramassée : L'atomicité de l'objet (au sens de son caractère indivisible) en est renforcée.

La visite s'est achevée par un transfert des congressistes en mairie d'Uckange où un pot de l'amitité vint conclure le discours du Maire Michel PARADEIS très engagé dans ce projet, ainsi que la Sénatrice Gisèle PRINTZ elle aussi présente.

 

 

préservé de la destruction, Uckange dort. Jusqu'à quand ? >

 

faits et arguments

La maquette en mairie d'Uckange, cliquez pour agrandir

Dix ans après les premières actions qui ont suivi la fermeture du HF, le projet culturel d'Uckange bute donc toujours sur deux problèmes principaux : le gazoduc et la constitution effective de la structure intercommunale qui, devenue propriétaire du site pour le franc symbolique, rassemblant les participations acquises sur le pricipe mais toujours pas effectives du Département et de la Région, assurera le financement de la transformation (estimé à environ 10 MEuro) et son fonctionnement : en-dehors de la municipalité, chaque financeur public (conseil général, conseil régional, communauté d'agglomérations) a longtemps retardé son accord en attendant que les autres se lancent. A présent, c'est la Région qui s'est engagée sur un montant de participation mais n'a pas inscrit la somme au budget ! Ubu règne.

1- sur le plan de la localisation géographique, Uckange est objectivement un choix idéal : visible de loin, situé au carrefour d'autoroutes très fréquentées notamment par des touristes nord-européens, Uckange est plus accessible que tout autre site équivalent, notamment ceux de la vallée de la Fensch.

2- Dans leur rapport, MM. MIOCHE et WORONOFF démontrent l'intérêt d'un édifice caractéristique de l'entre-deux guerres, (notamment le chargement par bennes Staehler et la cuirasse rivetée à chaud refroidie par boîtes ouvertes) s'intercalant idéalement entre les hauts-fourneaux déjà conservés (XVIII et XIXème siècles) et l'hypothétique haut-fourneau contemporain dont un prototype aurait pu être ROMBAS (démolition en cours) et dont les ultimes exemples lorrains seront les hauts-fourneaux d'HAYANGE lorsque la filière-fonte y aura cessé d'exister.

3- La valeur immobilisée dans le HF représente au cours actuel de la ferraille de catégorie E3 "démolition industrielle" 91 euros par tonne, soit 273.000 euros pour 3000 tonnes, c'est-à-dire moins de 2 MF, dont il faut évidemment retirer des frais de démolition et de conditionnement qui en réalité absorberaient très largement la revente au cours du marché, sans compter les frais supplémentaires de restitution du site au stade "green field". La cession du HF4 pour le franc symbolique représente donc en réalité une excellente affaire pour tout le monde.

(*) Classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, ce vaste ensemble sidérurgique sarrois transformé en espace muséal sidérurgique et culturel sert actuellement de référence européenne en matière de valorisation du patrimoine sidérurgique.

4- Plus de dix ans après son extinction, le HF4 d'Uckange demeure en bon état. Rappelons qu'il n'a connu qu'une courte campagne de deux ans après sa dernière réfection (une campagne de HF dure de dix à plus de vingt ans selon son exploitation). De l'avis de plusieurs congressistes qui ont pu comparer l'état de Völklingen(*) et du HF d'Uckange, ce dernier serait dans un meilleur état de conservation. Il n'y a pas lieu de redouter à moyen terme de ruine dûe à l'oxydation, en-dehors des bardages de la halle de coulée qui, exposés aux émanations soufrées du laitier au temps de la production de fonte, seront de toute manière à remplacer.

5- Le renoncement au projet envisagé au profit d'une zone d'activités classique se heurterait à la présence de nombreuses constructions souterraines (fondations d'anciennes halles ou des hauts-fourneaux et de leurs annexes, carneaux de cheminées, etc.) qui grèveraient les travaux de fondation de nouvelles installations de manière prohibitive. En raison de l'absence de cokerie, le site devrait être exempt de pollution significative par les hydrocarbures ; une absence de pollution par les métaux lourds devra quant à elle être vérifiée en rive de Moselle à l'emplacement de l'ancien crassier.

6- Le problème de la conduite "MOSELLE 2" est plus complexe car il constitue à la fois un obstacle administratif à l'exploitation publique d'Uckange(*) et est lié indirectement à des arguments beaucoup plus sérieux sur le site à choisir en tant que mémoire de la sidérurgie, développés au paragraphe 7.

EDF demande une somme de 50 MF pour déplacer la conduite, ce montant comprenant notamment le manque à gagner du fait de l'impossibilité d'alimenter la centrale de RICHEMONT avec le gaz de hauts-fourneaux qui serait torché à HAYANGE (SOLLAC) durant le mois que dureraient les travaux de déviation. Ce délai nous semble très long au regard des possibilités de construction anticipée du nouveau segment de conduite réduisant son indisponibilité aux simples raccordements, ou mieux encore des possibilités techniques existantes et éprouvées, notamment dans le domaine pétrolier, en matière de travaux sous exploitation (piquages "hot-tap"). Déplacer la conduite nécessitera de choisir un nouveau tracé avec d'éventuels problèmes de voisinage ou d'expropriation ainsi qu'une enqête publique.

La voie-fonte SOLLAC d'HAYANGE étant condamnée au plus tard en 2010, le gazoduc cessera alors d'être exploité. L'importance du chantier de déplacement de la conduite (qui nécessiterait de lancer un nouveau pont), au regard du caractère temporaire de son exploitation, incite à patienter jusqu'à 2010 avant de recevoir du public au HF4.

7- Le plus grave reproche que nous avons entendu "off" (il n'en a pas été question lors du débat) à l'encontre d'Uckange est que l'usine se résume à un haut-fourneau et ses annexes fonctionnelles, à l'exclusion de l'aval normal représenté par une aciérie et un laminoir et/ou une forge définissant un site intégré et sans lequel la qualification de sidérurgique pourrait à la limite être contestée.

De ce point de vue, le choix idéal associant à la fois une localisation idéale, une bonne visibilité, l'intérêt historique au plan social et "frontalier" et le caractère complet des activités sidérurgiques eût été l'ancienne usine UCPMI d'HAGONDANGE, si cette dernière n'avait été rasée pour édifier le parc de loisirs WALIBI-SCHTROUMPF qui ne s'est certes pas trompé dans son choix d'emplacement. De plus, ce site n'était pas grevé par nécessité de préserver la fameuse conduite.

(*) Fusion entre Usinor, Arbed (Lux.) et Acesita (Espagne).

Après la destruction de tous les autres sites intégrés lorrains (Pompey, Longwy, Joeuf, Thionville, etc.) ou transformation autour de la filière électrique (Gandrange, Neuves-Maisons), le dernier site intégré subsistant de la sidérurgie lorraine est le site SOLLAC d'HAYANGE-SEREMANGE où la fabrication d'acier à partir de fonte devrait cesser au plus tard en 2010, mais peut-être plus tôt compte tenu des restructurations industrielles qui interviendront quand se concrétisera le projet NewCo(*).

(*) Probablement de la filiale brésilienne d'Usinor qui expédie déjà des brames en Lorraine, et où l'on construit actuellement un train à bandes.

Quoi qu'il en soit, la fermeture annoncée à terme de la voie-fonte à SOLLAC entraînera simultanément, d'une part la disparition des contraintes que fait peser la conduite "MOSELLE 2" sur l'ouverture d'Uckange au public, et, d'autre part, la libération d'une part significative des installations de SOLLAC dans la Fensch (hauts-fourneaux du Patural, aciérie LWS à l'oxygène, et éventuellement le train à bandes si les coils sont directement importés(*)).

(*)Mais il semble que ce soit Usinor elle-même qui ait la première évoqué le sujet en "faisant savoir discrètement qu'elle serait prête à échanger la conservation d'un des derniers hauts-fourneaux d'HAYANGE contre... la destruction d'Uckange" (E. DE ROUX, "Patrimoine Industriel", op. cit. (p. 74).

Certes, il y a une certaine indécence à parler de cet héritage alors que le sujet est encore vivant(*) Le calcul sur lequel se base la contestation d'Uckange est que dans ce cas serait rendue disponible une usine à chaud complète (cokerie, hauts-fourneaux, aciérie, éventuellement train à bandes) caractéristique de la seconde moitié du XXe siècle, moins bien située qu'Uckange mais sans équivalent en Europe puisque les installations de Völklingen sont représentatives d'une technologie plus ancienne.

usine SOLLAC de Hayange-Serémange (vue parielle), cliquez pour agrandir

L'environnement urbanistique conserve également la stratification des politiques d'aménagement du territoire depuis les interventions paternalistes qui ont prévalu en l'absence de l'Etat entre le XVIIIe et la première moitié du XXe siècle. Les critiques d'Uckange exposent qu'HAYANGE, berceau des anciennes usines WENDEL à l'origine de SOLLAC, est le lieu à la fois le plus permanent et le plus symbolique de la sidérurgie lorraine. On y trouve également un espace documentaire d'une richesse et d'une qualité sans équivalent en France, puisque l'Espace Archives d'USINOR y est installé et collecte les archives de la quasi-totalité des usines françaises, tombées au fil des années dans l'escarcelle d'USINOR, quelle que soit leur localisation géographique. Notons toutefois que même si l'Espace Archives est largement ouvert aux chercheurs, il s'agit d'une structure privée.

(*)de l'avis de Bernard COLNOT, le site d'HAYANGE-SEREMANGE ne se prêterait guère à une reconversion culturelle en raison de l'imbrication entre les parties à reconvertir et les unités industrielles continuant leur activité.

Ces arguments tendent à construire une rivalité entre un projet déjà défini (Uckange) qui n'attend plus guère que l'exécution des engagements financiers des collectivités locales (les financements sont déjà trouvés, du moins pour la mise en conservation et la mise en lumière), et un projet certes magnifique mais encore inconnu dans ses contours, sa chronologie et ses coûts. Nous pensons qu'en raison de l'échelle radicalement différente de ces deux sites, il n'y a en vérité pas lieu de les placer en position de comparaison : "ils ne boxent pas dans la même catégorie". Hayange-Serémange-Wendel, s'il se fait un jour(*), sera d'emblée un projet d'envergure européenne sinon mondiale. Les instances départementales et régionales auxquelles le projet est suspendu ne devraient donc pas se laisser troubler par la querelle des "-ange" et lâcher ainsi la proie pour l'ombre.

Last but not least, il est un argument qu'aucune estimation, aucun chiffrage, aucune expertise ne peut mesurer et qui devrait cependant être prépondérant dans la décision de faire Uckange : c'est la valeur des hommes. Ceux qui ont défini ce projet et qui seront appelés à le faire démarrer, notamment Bernard COLNOT et Louis REMY, sont, avec leur passion et leur expérience tant sidérurgique qu'associative, la propulsion qui garantit de mettre Uckange sur orbite. La longue attente et le suspense autour d'Uckange ont d'autre part commencé à susciter une dynamique nationale autour du projet, sur le berceau duquel se sont penchées les plus grandes autorités françaises en matière de patrimoine industriel. Qu'en serait-il pour un autre projet ?

 

en guise de conclusion provisoire

Le dossier Uckange suit son cours, contre vents et marées ; nous avons pu nous assurer de la détermination de ses promoteurs et supporters (Associations MECILOR, ESFOLOR et CILAC, municipalité d'Uckange).

"On n'ose pas comptabiliser les études et les expertises culturelles ou techniques qu'a subi ce malheureux haut-foiurneau depuis une dizaine d'années" (Bernard ANDRE, L'Archéologie Industrielle en France, No 36). Ainsi, une nouvelle expertise technique est-elle en cours, cette fois-ci pour déterminer l'état des passerelles et des circulations qui accueilleront (on l'espère) le public, lors de l'ouverture. Un nouveau pas dans la bonne direction ? Voire. Sans un engagement politique ferme et suivi d'exécution de l'ensemble des partenaires publics concernés, il n'y aura pas de possibilité d'amorcer, à travers la première phase de sauvegarde et d'affirmation patrimoniale, le processus de reconversion d'Uckange en un lieu de culture vivante et pluridisciplinaire. Et, si dix années de rapports n'ont pas réussi à provoquer cet engagement, que pourra faire une expertise supplémentaire ? Probablement le blocage est-il ailleurs.

Pour parvenir à cet "amorçage", une seule solution : médiatiser la question, en parler, la faire connaître. Infirmer l'hypothèse qu'il n'y aurait de place que pour un seul sanctuaire de la sidérurgie lorraine et qu'Uckange ne serait pas le meilleur choix. Au regard de ce genre de doute, la contrainte que fait peser "MOSELLE 2" sur l'ouverture du site au public semble finalement assez secondaire eu égard à son caractère temporaire. Nous avons vu que la supposée alternative ne représentait pas un argument sérieux pour abandonner le projet d'Uckange. Une déclaration de soutien moral de la part d'Usinor pourrait peut-être aider lesdites collectivités à se décider ; on ne peut cependant guère espérer une telle déclaration alors que l'industriel, lassé d'attendre, est absorbé dans le projet NewCo qui met en cause son identité même...

Nous avons expliqué pourquoi, pour Soleils d'Acier, il faut engager la première phase d'Uckange et attendre sereinement la levée de l'hypothèque du gazoduc. On doit réaliser que ce projet est finalement relativement modeste, et se réjouir d'une opération qui avantage simultanément Usinor, l'identité lorraine et le patrimoine industriel. Certes, lors de la fermeture annoncée de la filière fonte, la question d'un grand site intégré se posera peut-être avec le complexe Hayange-Serémange-Wendel. Il conviendra alors de placer d'emblée la question de cet héritage au niveau européen.

Plus, il nous semble qu'à une époque où le transfert d'un certain footballeur a dépassé les 550 MF (soit DIX FOIS le montant TOTAL de l'opération Uckange), il serait sain de relativiser le coût d'une opération de préservation de nos racines : l'acier est la matière de la civilisation. Ce n'est peut-être pas tout à fait une boutade : pourquoi ne pas lancer une pétition (multinationale) pour l'instauration d'une taxe (européenne) sur les transferts de joueurs de football au profit du patrimoine industriel et culturel ?

 

 

Le projet Uckange échappera-t-il à la prison des hésitations ? >

 

bibliographie

Lien vers le site internet du CILAC

ANDRE Bernard, "Collapsus patrimonial", Lettre aux Adhérents no 14, CILAC, novembre 2000.
COLNOT Bernard, "Le haut-fourneau d'Uckange en Lorraine", euroconférence "patrimoine Industriel et effets de taille", Le Creusot, septembre 1997
COLNOT Bernard, "Conservation du patrimoine industriel, pôle technologique et culturel, site d'Uckange", 7ème édition, MECILOR 1997
DE ROUX Emmanuel, "Le haut-fourneau d'Uckange menacé de destruction", le Monde, 19 décembre 2000
DE ROUX Emmmanuel, "Patrimoine Industriel", Scala Editions, 2000
MIOCHE Philippe & WORONOFF Denis, "la patrimoine sidérurgique en Lorraine, un enjeu d'avenir", L'Archéologie Industrielle no 27, CILAC, décembre 1995
REMY Louis, "Conservation du patrimoine industriel, pôle technologique et culturel, site LORFONTE haut-fourneau U4", mairie d'Uckange, septembre 1998
Indices et cotations, L'Usine Nouvelle, 14 juin 2001

 

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